« Rien ne se montre de l’air, si ce n’est les objets qu’il nous laisse voir. Ainsi, le monde est il à nous grâce à l’air, grâce au retrait de l’air. »
Alain Cugno
De la transparence de l’air à celle du cloud
L’analogie entre espace céleste et dématérialisation dans le cloud répond à l’illusion que le ciel, comme l’espace numérique, sont des entités virtuelles.
Or, le réchauffement climatique indique que le ciel est un commun délaissé, pendant que le cloud est en passe de devenir une extension artificielle de l’être humain. Ces deux entités n’ont rien de virtuel.
Le vocabulaire et les symboles utilisés par l’économie digitale empruntent à l’air ses qualités. Ils entretiennent l’idée que la transparence de l’air sur laquelle reposent les nuages, est du même ordre que l’invisibilité des structures qui donnent accès aux services du web. Cette similarité est avancée comme preuve que notre ignorance des opérations sous-jacentes qui s’exécutent dans le nuages témoigne du fonctionnement optimal du système. Car, si nous accédons et partageons de la donnée de façon intuitive et même à notre insu, alors la vie en ligne se confond sans heurts avec notre ligne de vie.
Notre contribution au cloud est d’autant plus efficace qu’elle est rendue « naturelle », simple et indispensable comme l’air que l’on respire.
Certes, l’immatériel des idées, des spiritualités et des rêves qui siègent dans les nuées, partagent avec le cloud des contours flous et une part indiscernable ; mais toute ressemblance pourrait s’arrêter là. La dépendance des réseaux envers les ressources de la biosphère est avérée. Du fond des océans où circulent les câbles intercontinentaux, aux limites de l’exosphère où croisent les satellites, jusqu’à l’espace intime de nos vies privées, l’industrie du clic exploite toutes les strates de l’enveloppe terrestre, pour alimenter le puits sans fond de la mémoire du Cloud.